]chroniques | bords de route[

Monpazier, septembre 2020

Par la magie d'un simple panneau, la route devient rue. En point de mire l'entrée de la bastide où déjà une petite foule se presse. Vide-grenier, vend tes souvenirs, ou celui des autres… Les voitures filent sur le centre de la chaussée, encore emportées par l'élan du voyage,  laissant les bas-côtés s'effondrer un peu plus sous les pas de deux piétons. Deux polos marins, même rayures légèrement tassées, l'un bleu l’autre rouge, oscillent. Ils avancent petitement, enveloppés par les ans comme les anneaux d'un arbre coupé, n'entendent plus les murmures, les moteurs, les rires, mais se tiennent par la main, doigts savamment croisés, éternels. 

Balma, juillet 2020

Soudain assise là sur ce petit bout de trottoir au pied d'un platane, sa robe repliée sous ses cuisses, genoux remontés, son chignon en goguette sur le haut de sa tête et le sac à main en sursaut sur l’épaule elle sourit. Pleine de parfums de maquillage de sous-entendus. Téléphone... 

A l’approche de Narbonne, novembre 2017

Cela commence par une poubelle. Une poubelle crevée pleine exsangue qui déverse sa bile au bord de la route. Parking, aire de repos. Repos. Là. Quel mot « aire de repos » ici près de cette poubelle. Les arbres ont disparu petit à petit, ils se sont éloignés. Quelques-uns refusent de pousser, d’autres refluent devant l’arrivée des éoliennes. Arbres de métal mouvant trompeurs pourfendant les crêtes brouillant les sentiers exerçant leur dure domination. Pragmatiques et viriles. A côté de la poubelle, dans l’aire de repos, deux chaises. Une blonde, une brune. De dos avec des blousons simili cuir et des jambes presque nues. Les épaules pointues maigres ou tout comme. Le vent balaye une broussaille à leur pied. Il y a aussi une canette de bière écrasée bleue. Il fait pourtant froid. Au col d’un blouson une fausse fourrure quelque chose qui donne l’illusion de la chaleur. Le vent glacé pousse les dos l’un vers l’autre, ils penchent légèrement, les cheveux se touchent presque et les cigarettes. Il y a derrière un espace. Un espace glouton. Un espace invisible comme une menace. Une voiture ralentit se gare elle fait de la poussière un relief de Mac Do tombe de la portière entrouverte. Un pied un autre. Sans hésitation. Droit dans l’espace. La poubelle reprend son frémissement inquiet…

A9, novembre 2017

Une garrigue somptueuse courbe l’échine sous le vent des éoliennes. Elles sont partout elles avalent jusqu’aux crêtes qu’on ne perçoit plus. Belles et altières toujours en mouvement en travers du chemin du silence en travers du chemin du vent en travers du chemin des bêtes et des gens. Avant elles cette route ressemblait à l’Antiquité elle-même. On s’y voyait en char arrivant à la mer bleue qui surgissait soudain à la base d’un pin parasol. On y entendait l’écho des sabots sur des routes mythiques. Mais le temps est venu de mettre fin aux rêves et de ranger la poésie dans la poussière du souvenir d’un autre âge un tiroir une dentelle une chose un peu ridicule. 

Place aux constructions poteaux zones commerciales fils gravats jardins déchèterie goudron crevé maisons tas transformateur orange fluo graffitis cabane de vigne amandier en fleur camion-poubelle antennes longues et fines comme des seringues
Le soleil écrase tout cela avec vulgarité 
Les bagnoles les bagnoles les bagnoles faire ses courses faire ses courses faire ses courses 

Selfies ! Yeah !

Autour ?

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